Labru' de sortie
On n'est pas souvent seul face à soi-même, dans cette torpeur de fin de journée, où l'on se prend à rêvasser de quitter ce job pourri qui nous ronge les pattes et le cerveau. On se surprend pourtant parfois à imaginer que les choses aillent plus vite, accélèrent jusqu'à ce qu'on en perde haleine et que, le souffle coupé et les jambes en coton, on réalise que l'on est allé loin, très loin. Une sortie de corps, mais sans le coma.
Ce jour-là était l'un de ceux-là. Une journée chaude de printemps qui nous avait tous surpris. Pourtant la météo avait été très claire : cette semaine nous offrirait un avant-goût d'une saison chaude qui s'annonçait torride. Nous le savions tous, au fond de nous, mais pourtant l'on s'était habillés le matin avec l'insouciance de la mi-saison : un peu trop de couches de vêtements, une régulation thermique corporelle qui ne sait plus où donner de la tête.
Et cette odeur dans l'air. Non pas celle de vos collègues dont les aisselles ont réagi un peu fort à ce brutal changement. Non. Bien qu'elle fût (trop) présente, vous l'avez complètement occultée, ça sent bon, l'herbe pousse dans les fossés, la lumière est déjà chaude, çà et là quelques pollens flottent dans la lumière orangée du soleil couchant, ce soir on roulera la fenêtre ouverte, juste pour sentir que la Nature elle aussi est toute surprise de ce soudain retour de quelque chose de fort.
C'est donc par une telle après-midi, le corps et le cœur embrumés d'une douce rêverie que me reviennent, comme des échos à une lointaine histoire, les bribes d'un souvenir. Diffus tout d'abord, c'est l'ambiance qui remonte, puis les sons, et enfin les visages. Hier encore — ou était-ce il y a bien plus longtemps ? — un étrange personnage, une vision, un fantôme, me poussait à un évidence gravée dans le granit (lire Sortie du vendredi). Aujourd'hui donc, cette même litanie me soulevait, m'emportait, je ne sentais plus le poids de mon corps sur mes pieds, ces jambes qui avaient trop marché dans des fringues trop chaudes et des chaussures trop fermées. Plus rien n'avait d'importance car sans marcher je me déplaçais.
Et voilà que, en me demandant si je n'avais pas œuvré pour revenir là, je me retrouvais là où j'avais rencontré ce vieil ermite pour la première fois. Cette nuit-là, il m'avait enjoint de pousser au bout de la rue, au bout de la route, pour retrouver la chaleur d'une soirée, et je n'avais pas été déçu. Essayais-je de revivre ce moment, tel un toxicomane en période de sevrage qui sent dans tout son corps l'odeur et le goût de ce qu'il convoite ? Probablement.
J'étais à nouveau planté là, devant un panneau d'affichage maintes fois recouvert par des affiches vantant la prochaine représentation de tel ou tel groupe de musique, à résonance locale ou internationale, de renommée spéciale ou spécieuse, sous les affiches géantes de comiques au duo lassant, noyé dans la colle à papier-peint, théâtre de toutes les rages des afficheurs qui se suivent, se rencontrent parfois et se mènent la guerre de la surface.
Ce fut la vibration silencieuse, assommante, assourdissante. Il était là, même regard au-dessus de ses lunettes de soleil, son étrange chapeau, sa détermination qui semblait sans bornes. Heisenberg. Il me fixait (ou du moins il me semblait) avec insistance, tentait de pénétrer mon esprit. J'avouais tout, j'étais prêt, je me mettais à table. Oui, je ferais ce que l'on me demandait, j'étais si faible après tout ! Quels étaient les ordres ?
Ils étaient simples, les ordres. Ils tenaient en une injonction scandée, quelques mots jetés sous ce regard perçant :
Re-Vanschees
Shape
DJ Bena
20 avril
MJC Labruguière
Comment résister ? Déjà mon esprit n'était plus là, mes tempes bourdonnaient, mes genoux tremblaient. Un avant-goût de la soirée, sûrement. Une sorte d'empathie prémonitoire, personnification de chacun des spectateurs de cette soirée à naître.
Le vent se levait, il emportait la poussière, il murmurait dans les grillages des clôtures. Doucement, il me suggérait la suite, la finalité, le but de tout cela. C'était une évidence pourtant : des recettes de concert qui servent à payer des vacances aux jeunes de la MJC. Simple et pourtant si nécessaire.
Bouffée de nostalgie, madeleine de Proust impossible à retrouver, je me prends à rêver d'une soirée d'été, oui ! Les vacances ! L'oisiveté dans la moiteur d'un soir d'août, dépaysé, heureux. C'était peut-être ça après tout. Car même si mes espoirs de retrouver les scènes de vacances de mon enfance telles quelles s'amenuisaient (lire Noms d'oiseaux), je me prenais à rêver que ces vacances, celles de ces jeunes, fussent ainsi grâce à ce concert : le départ d'une nouvelle madeleine, une nouvelle nostalgie.
Déjà les murmures s'étaient tus, ils laissaient place à la rumeur d'une tempête qui se levait, rugissante et chargée... La puissance de Coucibass prenait le pas sur la soirée, dans une réminiscence d'un temps lointain :
Puis venaient les Re-Vanschees, bien décidés à l'emporter sur une note de guitares saturées :
Shape tourbillonnait dans l'air avec sa désinvolture lourde :
Seul DJ Bena resterait un mystère jusqu'au soir fatidique, pourtant bien présent, déterminé à ouvrir les festivités comme il se doit.
Je le savais, il m'arriverait peut-être un jour de devoir me réfugier loin, là-haut dans la Montagne Noire. En attendant, ce printemps délicieux coulait déjà dans mes veines, et vendredi soir serait chaud, sans aucun doute.
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Coucibass / Re-Vanschees / Shape / DJ Bena
- vendredi 20 avril 2018 à 20h
- MJC Labruguière
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