Et maintenant ?
Un mec est mort dans la nuit de samedi à dimanche sur le théâtre d'affrontements entre manifestants et forces de l'ordre. C'est au Testet, et c'est un coup dur pour tout le monde.
Ce mec, c'est Rémi Fraisse. Il avait 21 ans, et on a retrouvé son corps sans vie vers 2h du matin. Les constatations des médecins légistes n'ont pas permis aux enquêteurs de déterminer les causes exactes de sa mort, même si l'on sait qu'elle a vraisemblablement été causée par une détonation proche. Rien de nouveau sous le soleil de l'info, pas de scoop sur RADIOM.fr, l'info a été reprise par tous les journaux.
En réalité, bien que ces éléments permettront de déterminer les fautifs s'il y en a, et permettre à la famille de faire son deuil, l'information importe peu. C'est juste que désormais, le conflit a pris une autre ampleur. Maintenant, et pas avant, malgré les levées de bouclier de plus en plus nombreuses et pressantes de personnalités politiques (Mélenchon, Bové, Salengro – Président du Groland –, etc.) contre ce projet fou (lire Écolo sauce lacrymo).
Évidemment, difficile de faire la part des choses dans ce genre de mouvement, entre les manifestants pacifistes qui se dispersent dans le calme, et les casseurs cagoulés qui débarquent ensuite pour foutre la merde. Comme dans chaque conflit de ce genre, on peut légitimement se poser la question sur leur identité et leur provenance, et retournant le problème : qui aurait intérêt à décrédibiliser un mouvement de protestation constructif et pacifiste ? À une toute autre échelle, on a vu les mafias pro-Pékin casser de l'étudiant à Hong-Kong dernièrement. Le parallèle est vite fait lorsque l'esprit vagabonde vite.
La mort de Rémi Fraisse a fait bouger. De nombreuses manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes de France, et celle d'Albi a connu une fin mouvementée. Au-delà de l'hommage rendu à cet opposant au barrage, c'est un point d'honneur à montrer que l'on n'oublie pas que le pays reste marqué par de nombreux projets contestés (et légitimement contestables). La ZAD (Zone À Défendre) du Testet en est une ; celle de Notre-Dame-des-Landes est toujours là. Et l'on ne cite pas toutes les autres qui n'ont pas eu la "chance" de bénéficier d'une telle couverture médiatique pour se faire entendre.
Ce qu'il reste à faire
Les options, désormais, sont plus que limitées. Poursuivre le projet, c'est faire fi du drame, c'est ignorer la douleur et la peine, c'est renoncer à la compréhension et la compassion. D'un autre côté, pour l'instant, personne n'est responsable, et même le plus tragique des événements ne saurait changer les arguments (discutables) des pro-barrage.
Abandonner le projet suite à ça, c'est donner trop d'importance à un événement qui, quoiqu'on en dise, est survenu en marge. Quelle aurait été la situation si, au lieu d'un opposant au barrage, la victime avait été parmi les forces de l'ordre, ou parmi les défenseurs du projet ?
Voilà pour le dilemme. Chacun campera sur ses positions, et bien que le décès de Rémi Fraisse dans ces circonstances ait projeté une toute autre lumière médiatique sur la situation, ce n'est pas en regard de ça qu'il faut juger de la conduite à tenir.
Il se trouve en revanche que la Préfecture du Tarn a rendu public un rapport d'experts 1 qui pointe, entre autres, les dysfonctionnements et les erreurs d'appréciation des besoins du projet, le rendant caduc dans sa forme actuelle : un dimensionnement déjà obsolète, surévalué d'au moins 35% par rapport aux réels besoins en irrigation, mais également l'impossibilité quasi totale d'arrêter le projet alors qu'il a déjà beaucoup avancé, rendant également complexes les rapports avec les agriculteurs demandeurs envers lesquels un engagement a été pris.
Si l'on veut résumer ainsi : on sait que le projet est merdique, mais on ne peut plus reculer. C'est bête, mais Rémi Fraisse est peut-être mort pour rien.
(Détails fournis à retrouver sur cet article du blog "Tant qu'il y aura des bouilles")
- 1 le rapport d'experts rendu public dimanche 26 octobre 2014
Commentaires
Certains politiques qui s'expriment dans la presse pourraient s'en inspirer.
Quoi qu'il en soit, cet événement est bien triste et remet les 2 parties face à face, avec je l'espère, moins de violence et plus de dialogue.
La démocratie a parlé, pourquoi vient-on remettre en question ce projet ?
C'est une bonne question, mais c'est déjà biaisé : les candidats n'avaient pas, pour seule ligne dans leur programme, le pour ou contre le barrage. Ils ont aussi été jugés, et élus / battus sur des tas d'autres questions qui constituent autant de variables parasites pour ce sondage d'opinion qu'est une élection municipale.
La légalité du projet n'est pas à remettre en cause : il a été fait dans les règles, et il est inattaquable à ce niveau. Sa légitimité et sa pertinence, en revanche, sont peut-être discutables. Le débat est ouvert. Si seulement il pouvait être constructif !
Cet article, tout comme les positions que je défends (voir la remarque de Hasard, un peu plus haut), ne prétend pas à l'objectivité.
Je n'avais pas lu cet article, très bien fait, et qui montre l'ambivalence du problème, et met le doigt sur l'absence de solution immédiate et définitive. Le Monde n'est pas blanc ou noir. Tant mieux.
Je relèverai simplement une chose : les détracteurs du projet, ainsi que le récent rapport publié par la Préfecture du Tarn, insistent sur le sur-dimensionnement de l'ouvrage et des besoins. L'article le confirme dès le troisième paragraphe : de 150 agriculteurs en demande, on est passés à une quarantaine aujourd'hui.
Loin de moi l'idée que cette demande est un caprice de gros exploitants. On voit là encore l'absence de dialogue, et des positions campées de chaque côté.
Mais les solutions de remplacement existent, il faut – avant, peut-être, de les écarter – les considérer et les étudier.
On notera l'apparition récente d'un site qui défend le projet du barrage, mais ne se contente pas d'exposer des faits ou des opinions : le caractère nauséabond des propos qu'il véhicule ne peut qu'accentuer la haine entre les deux camps.
Insultants, violents, homophobes (ils traitent les Anonymous de "tafioles imberbes")... il manque encore pas mal de qualificatifs, mais la nausée est là.
Je cite : "Les ZADISTES sont armés, sont violents, sont drogués, ont le cerveau rongé par le THC et la coke. Alors comment la Dépêche peut elle cautionner les propos de Zadistes qui demandent à ce qu’elle revienne chez elle." [on parle ici d'une mamie qui est apparemment contrainte de vivre hors de chez elle à cause des affrontements sur le site].
Pour couronner le tout, et ajouter à la provocation, l'icône de favori du site est une grenade. À fragmentation. Youpi.
quand des types manifestent en hommage à un gars tombé sous les coups des CRS tou le monde panique
quand les agriculteurs foute le bordel a coup de fumier et de degradations y a pas une seule interpélation.
Le rapport de la LDH qui pointe les problèmes rencontrés à Sivens : http://www.ldh-france.org/rappo...-octobre-2014/
Une cagnotte est ouverte pour aider la famille Rémi dans la recherche de la vérité. Pour participer : https://www.lepotcommun.fr/pot/45pl0brs
http://albigestech.universpodca...ode&p=1779
concretement cela veut dire que la justice considere qu'il ne s'est rien passe.
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