Écolo sauce lacrymo
Aujourd'hui encore, il fait beau. Ça fait plusieurs jours que ça dure, tranquille. Un peu de vent. On devine les orages qui grondent à l'Est, mais c'est loin. Ici, on est peinards. Ici, c'est le Testet, la zone humide. Les oiseaux chantent. Peut-être plus pour longtemps, surtout qu'ils commencent à avoir les bronches un peu irritées. Il faut dire que les gaz lacrymogènes, c'est pas ce qu'il y a de mieux.
Il y a un oiseau qui reste néanmoins perché, autant que faire se peut. Cet oiseau est un peu particulier. C'est un vivipare, un mammifère. Un humain qui tente une action presque désespérée pour se faire entendre. Ça fait plus de quatre jours qu'il est là-haut, perché dans un arbre, encerclé par plusieurs compagnies de CRS 1.
Cowboys vs. Indiens
Pour comprendre comment on en est arrivés là, un léger retour en arrière s'impose. Aussi indolore qu'un voyage dans la DeLorean de Marty McFly, jusqu'en 1978. C'est l'époque des grandes espérances, de l'agriculture intensive, des merveilles de la mécanisation et de la chimie, c'est la toute puissance des grands projets. Les trente glorieuses terminées, on veut garder le rythme, et plusieurs tractations et tentatives échouent. Le projet recule, avance, recule... comment veux-tu ?
Aujourd'hui, après des remembrements de terrain, et leur rachat par le Conseil Général du Tarn, le projet est plus vivant que jamais... et des gens se battent contre.
Les raisons de la colère
Mais pourquoi s'acharne-t-on contre un si beau projet ? Un beau barrage qui contiendrait des millions de mètres cube d'eau, des cours d'eau régulés et, pourquoi pas, une production hydroélectrique à la clé ? À n'en pas douter, les détracteurs du projet ne sont pas visionnaires. À n'en pas douter, ils font ça rien que pour emmerder les élus.
Douterait-on de leurs motivations ? C'est que, malgré l'action militante des associations et collectifs autour de ce projet, ce genre de choses reste quelque peu étouffé.
Car la retenue d'eau du barrage de Sivens servira à une chose, et une seule : constituer un réservoir pour l'irrigation des cultures. Ce projet est porté et poussé par des agriculteurs soucieux de pouvoir continuer d'irriguer d'absurdes cultures de maïs.
Des pingouins en Équateur
Le problème du maïs, c'est que ça boit une quantité d'eau faramineuse. Originaire du Mexique 2, la plante est cultivée en France pour l'alimentation humaine et animale.
Le problème, c'est que dans un département comme le Tarn, dont l'état de catastrophe naturelle liée à la sécheresse a été récemment reconnu pour les années 2012 et 2013, on peut légitimement se poser la question sur le bien fondé de cultiver un végétal très gourmand en eau. Le prix ? Foutaises ! D'autres cultures comme le blé sont aussi bien subventionnées et vendues, et ne nécessitent pas une irrigation pendant tout l'été.
Alors quoi ?
Alors, tel le projet d'autoroute Toulouse-Castres (lire Oh oui du béton ! Plein !) c'est, une fois de plus, un vieux machin sorti des cartons, pertinent alors, mais obsolète aujourd'hui.
Sauvegarde et biodiversité
Le plus inquiétant, c'est surtout la destruction totale d'une zone humide que l'on voudrait protéger, mais que les pouvoirs publics, même sollicités, rechignent à défendre, et dont le destin semble scellé depuis que les tribunaux ont débouté les associations qui voulaient faire suspendre le projet en vue d'un moratoire.
Alors du coup, le gens se battent. Ils occupent. Ils créent, comme pour l'aéroport de Notre-Dame-des-Lanes, une ZAD (Zone À Défendre)... et se font gazer la gueule par les cow-boys à qui l'on demande tout sauf de réfléchir.
Et il y a cet homme, perché, peut-être même déjà délogé depuis le début de la rédaction de ces lignes, et qui lutte comme ses camarades pour que l'on reconnaisse au moins le droit de discuter et de s'opposer. Sûrement encore un gauchiste qui veut retourner à l'âge de pierre. Qui sait si ces dangereux individus, après avoir obtenu gain de cause, ne s'attaqueraient pas à notre Sainte Consommation, grisés par une telle victoire ?
Pouvoirs publics muets
C'est par la force et l'épuisement que les pouvoirs publics comptent bien, armés de leurs forces de l'ordre chéries, gagner cette bataille. C'est par la pression et l'intimidation que les choses se font. Et les choses vont mal.
Les recours sont presque tous épuisés : lettre à Ségolène Royal, Ministre de l'Écologie, du Développement Durable et de l'Énergie ; recours aux tribunaux ; médiation avec les acteurs locaux... tout a foiré. Soit sous la forme d'un silence assourdissant (pas de réaction de la part du Ministère), soit une opposition virulente (déboutées devant les tribunaux, les associations en sont quittes pour plusieurs milliers d'euros en remboursement de frais de justice).
Devant l'absurdité du projet, la seule solution est désormais de se mobiliser et de faire du bruit. La médiatisation reste une des clés de ce combat, et c'est un tout petit relais d'information qui est fait ici. Rien à voir avec ceux qui ont décidé de faire la grève de la faim ou de s'enchaîner à des arbres. C'est bien dérisoire.
Curieusement, de nombreuses alternatives existent face à la création de cette retenue d'eau. Et curieusement, les propositions ne sont pas écoutées. Plus d'informations sont disponibles en bas de cet article.
Notons la présence quotidienne de nos amis de Radio Albigés pour rendre compte des événements sur place.
Il est évident que cet article manque cruellement de documentation, et le parti pris évident obstrue peut-être le message. Mais lorsque des propositions concrètes et alternatives se heurtent à un tel mur d'incompréhension, il est parfois important d'en parler. Les commentaires en bas de page sont faits pour ça.
Plus d'infos :
- Le collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet
- La pétition, encore trop peu suivie
- Des news en live du Testet
Commentaires
À quand la coupure de l'accès à radiom avec une telle publication ?
http://www.slate.fr/story/92203...orisme-deja-vu
Nous n'avons pas l'occasion de nous déplacer sur place, mais il paraît que la situation y est hallucinante.
On attend du nouveau.
Article
les trucs utiles
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la chouette cagnotte
Barrage de Sivens : un projet contre nature
« Quand les bulldozers vont plus vite que la justice »
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