Stratosphère en l'air
Cette soirée Rock In Space était placée sous le signe de l'humidité, à n'en pas douter. Moiteur et chaleur furent les maîtres-mots, tant l'eau tombait au dehors et la vapeur flottait en dedans.
Car la gageure était de taille : à l'heure où il se dit que le métal, le punk ou le rock n'ont plus le vent en poupe alors qu'on remplit des festivals entiers et que la populace se déplace en masse, il était temps de montrer à la face du monde que même à Castres où bouger les choses et les gens n'est pas toujours chose aisée, il y avait pourtant matière à voir et à entendre.
C'est vrai, quoi : pourquoi RADIOM et ses acolytes co-organisateurs de ces soirées pleines de sueur se cassent-elles encore la tête à s'acharner à préparer de tels événements ? La réponse tient dans ce qu'on y croise. Artistes, public, amis, buveurs et mangeurs, musiciens, musicophiles, headbangers, danseurs torse-poil et connaisseurs avisés.
Aussi peut-être avez-vous déjà lu la prose que l'on trouve sur Wallabirzine, et si ce n'est pas le cas, peut-être trouverez-vous une résonance avec « Rock In Space » et son ambiance si particulière en ce vendredi 24 mai 2019 dans Le déserteur. Si si, allez-y, imprégnez-vous-en et revenez dans quelques minutes ici-même.
Ce qu'on trouve dans les oreilles ici ce soir-là, c'est cet esprit de communion, cette volonté de transmettre quelque chose, ou encore par nihilisme total, ne rien transmettre du tout, vivre l'émotion et l'instant sans rien devoir à personne, même pas à soi-même. La scène est petite, mais c'est pas la taille qui compte.
Ce qui compte, c'est cette masse qui vient en prendre plein la tête pendant plusieurs heures, découvre par association de nouvelles choses, s'interroge, rigole et picole. Cette masse qui — et c'est très important — a bravé un temps particulièrement exécrable pour tenir une promesse faite à soi-même : ce soir je serai là, quoi qu'il m'en coûte.
Les premiers à se plier au difficile exercice d'une performance musicale précédée d'une interview furent Black Drop 1, le trio au nom équivoque qu'il convenait de démystifier en tout premier lieu. Une présence à retrouver dans son intégralité dans le podcast Black Drop :
Et puisqu'on s'était chauffés à l'idée d'associer l'utile à l'agréable, forts d'expériences pas trop ratées précédemment (relire et revoir Ülulons avec Öly dans un autre registre), nous décidâmes d'emboîter le pas à coups d'image, et c'est ainsi que la vidéo est née sur RADIOM, ou presque :
Parler d'une simple mise en jambes serait particulièrement réducteur pour Black Drop, c'est pourtant le rôle ingrat qui incombe à tout un chacun qui se verrait confier l'ouverture d'un concert où se côtoieront quatre groupes et leurs fans respectifs.
Néanmoins en termes de progression, on imagine sans peine que l'on passe une étape supplémentaire avec la performance d'Enola 2 qui suivra : poussez vos meubles (et surtout les tables, trop souvent insidieusement placées face à la scène, à ce qu'il paraît), poussez les murs, préparez-vous à vous faire pousser vous-mêmes, car c'est le début d'un set qui vient vous chercher par la peau de tout ce qui dépasse. Le podcast Enola en témoignera habilement :
Le cas Okoyome 3 est d'un intérêt tout particulier tant il a emporté les suffrages d'un public déjà abasourdi par le démarrage de la soirée. On parle de puissance, assurément, avec un trio à la finesse rugueuse qui en a dans le coffre et dans le cœur. À ce stade-là, on ne parle même plus de rage ou d'énergie, le générateur de vapeur de la centrale de RADIOM vibre en cadence, on a trouvé une source infinie pour éclairer les générations futures, et les seuls déchets que produira cette indéfinissable centrale du Rock seront quelques canettes vides. Tout le reste n'est que pur mouvement, à retrouver dans Okoyome :
Oubliez l'image mentale, le casque vissé sur les oreilles, de cette performance qui nous emporte, et préférez l'image réelle, les accords plaqués et les couleurs sombres d'une cave située au premier étage : la vidéo est au rendez-vous pour Okoyome, et c'est loin d'être dommage.
Il est déjà tard dans la soirée quand Dying Giants 4 monte sur scène, et décision est prise d'occulter l'interview sans autre forme de procès pour se concentrer sur la performance pure. La dureté froide dans ce bayou humide. Un orage de chaleur qui inonde la pièce, rougeoie d'énergie dans une éructation de nappes et phrases percussives. Ici aussi ça pousse, vers le haut. Une ascension mentale, les yeux mi-clos. Si les regards se croisent, c'est intérieurement, avec des musiciens qui se font face pour une synchronicité parfaite. C'est ici encore en podcast que l'on retrouve cette unique performance, dans Dying Giants :
Alors comme pour souligner le caractère exceptionnel du moment, l'instant qui n'était saisissable que sur place, en chair et en os, c'est une vidéo capricieuse qui sort des machines, et ne laisse entrevoir qu'un aperçu saccadé de ce que fut vraiment la performance. À apprécier comme une idée lointaine :
... et les images !
Enola dans « Rock In Space » aux Ateliers
C'était le 24 mai 2019 en compagnie d'Okoyome, Dying Giants et Black Drop dans « Rock In space ». © Nicolas Constans
voir les photos...Le bilan, c'est l'extrême fatigue d'un système sans fin, un éternel recommencement pour tenter de proposer quelques heures de bonheur profond, cette communion musicale que l'on recherche à tout prix, quitte à sacrifier beaucoup de choses. Aussi la ferveur sans faille des artistes qui viennent se produire est-elle un facteur marquant, déterminant, incontournable, dans cette possibilité de réitérer l'expérience. À coups de concessions de toutes parts, dans un monde où proposer de la Culture sous une forme que l'on a choisie est un combat de tous les instants, il est vital de souligner l'implication de tous.
Ce fut le cas pour ce Rock in Space.
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Enola dans « Rock In Space » aux Ateliers
C'était le 24 mai 2019 en compagnie d'Okoyome, Dying Giants et Black Drop dans « Rock In space ». © Nicolas ConstansÀ lire aussi
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